Orphelinat

Publié le par MAX HEADROOM

L'ITALIEN

Andreï KRAVTCHOUCH, Russie, 2006, 1h30mn, avec Kolia Spiridonov, Denis Moiseenko, Sacha Syrotkin, Yuri Itskov, Dariya Lesnikova... Prix du Jury et Prix du public du 13e Festival du Film Russe • Prix en Pologne, à Berlin, au Québec et encore ailleurs.




C’est une grande bâtisse au confort très largement approximatif comme il y en a des foultitudes en Russie désormais : rafistolage et replâtrage sont les mamelles de la nouvelle économie de marché pour ceux qui ne sont pas tombés du bon côté. Mais dans la grisaille désabusée d’une Russie qui survit de débrouille et de petits arrangements sordides, même un orphelinat minable peut faire office de hâvre : le pire étant la solitude et la rue. Dans celui-là, il y a une ribambelle de gamins aux grands yeux et aux rêves immenses qui espèrent tous qu’un jour vont débarquer les parents adoptifs qui les emporteront dans un pays de cocagne où ils pourront enfin s’imaginer un avenir. C’est Madame qui s’occupe de leur tirer le portrait à leur avantage, de faire les dossiers, d’échanger les courriers… Une VRP de l’adoption toutes catégories, sérieuse, efficace, avec chauffeur, car les choses sont faites contre monnaie sonnante, certes, mais dans les règles de l’art.
Ce jour-là, c’est Vanya qui est dans le collimateur, un chouette gamin : bonne bouille plutôt grave, genre plutôt réfléchi mais néanmoins joueur, de quoi toucher le cœur du couple d’Italiens qui vient faire connaissance… Pas rachitique, propre sur lui, poli, pas agité : l’entrevue marche du feu de Dieu. Sûrs et certains que l’affaire va se faire, les copains le couvent avec envie, le baptisent « l’Italien » et lui arrachent mille et une promesses : et qu’il écrira pour raconter, et qu’il enverra des bonbons…

Sauf que Vanya a bien pigé que ce voyage serait sans retour et, frappé par le suicide d’une nana à la dérive qui, saisie de regrets, était revenue trop tard pour récupérer un fils déjà enfamillé ailleurs , il n’a de cesse de savoir et de trouver la femme qui l’a laissé là comme un toutou dans un chenil. Pour y arriver, il faut d’abord comprendre son dossier, trouver l’adresse et donc… savoir lire ! Il apprendra quasi tout seul et partira à la recherche de sa génitrice. Invraisemblable, dites-vous ? Pas du tout, c’est tout du vrai : un fait-divers a inspiré Kravtchouch, qui cherchait depuis un moment à témoigner de la vie des gosses de Russie et ce sont ceux d’un orphelinat russe qui jouent leur propre rôle dans une bâtisse jumelle de leur foyer.
Le film est une fort attachante aventure. Mais c’est surtout une plongée réaliste dans la Russie actuelle, avec des gens qui font ce qu’ils peuvent, des sympas et des moins drôles, avec l’obsession unanimement partagée que sans fric, il n’y a pas de salut possible. Sans compter que le sous-développement intellectuel qui gagne du terrain plombe chaque jour davantage l’avenir de têtes blondes qui ne sont plus chères à personne. Dans cet orphelinat, la chance des gamins, c’est d’avoir une valeur marchande: si l’on est encore gentil avec eux, c’est peut-être moins par humanité que parce qu’il ne faut pas gâter la marchandise. Les plus beaux ayant, encore plus qu’ailleurs, plus de raison d’espérer que les laids. Néanmoins, même dans cette grisaille, des solidarités se créent et il arrive qu’un cœur que l’on croyait de pierre donne encore des signes d’humanité.

C’est un film à voir seul ou en famille, je dirais dès huit ou neuf ans, le sous-titrage n’étant pas forcément un handicap pour les gamins qui ont ici une occasion rare de découvrir le vrai vaste monde juste à l’est de l’Europe…

Publié dans cinetampes

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