Spiritualité

Publié le par MAX HEADROOM

LE GRAND SILENCE
Philip GRÖNING, documentaire, Allemagne, 2006, 2h42mn. Prix spécial du jury, Festival de Sundance 2006 • Prix du meilleur documentaire, Prix Arte, European Film Academy.



C’est plus qu’un film, c’est une véritable expérience spirituelle où le temps prend une autre valeur. Il y aura très peu de mots, aucune musique en dehors des chants des moines, de longues images contemplatives que rien ne parasite, presque aucun bruit. Mais le moindre son prend une intensité inhabituelle : un grincement, la cloche de matines ou de la prière du soir, le glissement des pas des moines, l’imperceptible mouvement des aubes, le bruit des objets qu’on déplace, celui du vent ou de la pluie… Dans l’immobilité, le moindre mouvement capte le regard. Les saisons mêmes ne s’enchaînent pas de la même façon : vus chaque jour de la même fenêtre, chaque détail de la montagne, chaque variation de lumière prennent une intensité qu’on n’imagine pas. Dans l’ombre de la Grande Chartreuse, la moindre loupiote vibre différemment…
On ne va pas voir Le Grand Silence comme un film quelconque, c’est comme rentrer en retraite et ce qu’on y puise est inhabituel, comme un ressourcement profond, comme si de ces murs habités par des siècles de prières et de recueillement émanait une sorte d’état de grâce communicatif. On est bien loin du monde profane, on ne perçoit jamais aucune hâte, aucun énervement, tout est prière, méditation. Le film agit, que l’on croie en Dieu ou que l’on soit un mécréant pur jus, pour peu qu’on se laisse happer par cet état de recueillement permanent que le réalisateur semble avoir adopté, seul avec sa caméra, menant la vie des moines durant de longs mois. Les Chartreux ne font pas vœu de silence, mais quand on est dans les murs de la Chartreuse, le silence devient une évidence.

C’est dans le massif de la Grande Chartreuse, dans les Alpes grenobloises que Bruno, qu’on déclara saint plus tard, créa le premier ermitage. La première construction, détruite par une avalanche, le bâtiment actuel fut construit vers 1132 et dans la foulée, l’Ordre des Chartreux fut reconnu par le Saint Siège. L’histoire ne l’épargna pas, ni la Révolution, ni les querelles entre papes… (Avignon ou Rome ?) Depuis 1940, les moines ne l’ont plus quitté. Il y a les Chartreux qui vivent cloîtrés, seuls dans leur cellule où ils mangent, dorment, travaillent, prient, qu’ils ne quittent que pour les offices, n’ayant de vie collective que le dimanche et les jours de fête. Il y a les frères qui vivent à proximité et assurent l’intendance. Chez les Chartreux, on ne jette rien, on ne gaspille pas, on recycle tout : on vit dans la plus grande pauvreté et s’il reste quelque argent en fin d’exercice, il est intégralement versé à plus nécessiteux. Chaque instant de la vie d’un Chartreux est tendu vers un niveau supérieur, en quête permanente d’absolu, lié au monde par la prière et rien d’autre.

Publié dans cinetampes

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