FAUT QUE ÇA DANSE !

Publié le par MAX HEADROOM

De Noémie LVOVSKY - France 2007 1h40 avec Jean-Pierre Marielle, Valeria Bruni-Tedeschi, Sabine Azema, Bulle Ogier, Bakary Sangaré, Arié Elmaleh... Scénario de Noémie Lvovsky et Florence Seyvos.

 

 


On n’a pas toujours l’âge de ses artères, ni celui de ses cheveux blancs ou de feu ses cheveux blancs, et à le voir ainsi, le grand et majestueux Salomon Belinski, on pourrait aisément, sans l’ombre d’un doute, croire en la vie éternelle. Non pas celle que l’on nous promet une fois que la belle mécanique a fini de faire tic-tac, dans un au-delà mystérieux tout autant qu’abscons, non, la vie éternelle ici-bas, sur cette terre, avec les grands vins de Bourgogne et la piscine du dimanche, le jambon-beurre sur le coin d’un zinc et la rosée du matin.
Du haut de ses quatre-vingt piges, Salomon a l’air de tout sauf d’un vieillard et il est bien décidé à continuer sur sa lancée, avec optimisme et légèreté, sans se soucier de la carte vermeil, préférant aux clubs du quatrième âge des cours de claquette. Car son héros à lui, c’est Fred Astaire !

Mais Sartre l’avait bien dit : « l’enfer c’est les autres » ; et force est de constater que tout conspire autour de lui pour lui rappeler son soi-disant grand âge. Sa fille Sarah, tout d’abord, qui se crispe dès qu’il a oublié de remonter sa braguette, le croyant devenu gaga, qui le bichonne comme un bambin, de peur qu’il se pète le col du fémur dès qu’il se lève de sa chaise. Son assureur ensuite, qui lui certifie avec ses sincères regrets que son cas ne rentre ni dans les lignes, ni dans les clauses et encore moins dans les alinéas particuliers et qu’il est au regret de ne pouvoir prendre en charge son dossier, rapport au fait que, forcément, un de ces quatre matins, il va casser sa pipe, c’est mathématique.
Et puis il y a son médecin particulier, voisin du dessus, qui lui préconise une abstinence totale, parce qu’à son âge, mieux vaut rengainer sagement son désir que de risquer une fin fatale (mais agréable), genre Félix Faure. Bref, il y a les autres, qui imaginent sous le crâne de Salomon souvenirs poussiéreux, nostalgie et regrets éternels là où il n’y a que pétillement, joie de l’instant et gourmandise de la vie.
La seule peut-être qui en lui ne voit rien de tout cela, mais plutôt un gentleman délicieux lui causant anglais pour rigoler, c’est son ex-femme, la mère de sa fille unique. Il faut dire qu’elle plane à douze mille, avec sa robe de chambre et ses après-ski, perdue dans un petit monde très personnel en compagnie de Shiva et totalement déconnectée des contingences matérielle, ces trucs qui nous pourrissent la vie : l’argent, les meubles, les politesses et les codes sociaux.
Mais Salomon n’est pas non plus totalement dupe : il sait bien que l’horloge dit oui, dit non, et que contrairement à ce que sa fille pense (mais la pauvre, on l’excuse bien aisément, elle n’a jamais vraiment résolu son œdipe), il n’est pas éternel. Ce qu’il lui faut maintenant, dans son dernier automne, c’est une compagne à ses côtés qui ressemblerait à un printemps. Il décide donc de passer une petite annonce, en grugeant, mais alors, très, très légèrement…

Faut que ça danse ! c’est la vie, la mort, le temps qui passe et que l’on ne voit pas passer, les souvenirs que l’on a viré un coup de pied au derche par la porte de sa vie et qui reviennent par la fenêtre… C’est ce que l’on voudrait être et tout ce que l’on ne souhaite pas devenir, ce que l’on transmet sans le savoir… Avec une légèreté tonique et un humour profond qui cache bien son jeu, voilà une délicieuse tranche de vie portée par un Jean-Pierre Marielle majestueux. À bien chercher, il ne sont pas nombreux, les films qui abordent avec autant de drôlerie et de tendresse le sujet de la vieillesse et de la mort, sans pathos, mièvrerie, cynisme ou condescendance.

Publié dans cinetampes

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article