LA FORÊT DE MOGARI

Publié le par MAX HEADROOM

Écrit et réalisé par Naomi KAWASE - Japon 2007 1h37 avec Shigeki Uda, Machiko Ono, Makiko Watanabe, Kanako Masuda, Yohichiro Saito...
GRAND PRIX DU JURY Festival de Cannes 2007. Musique de Masamichi Shigeno.
 

 


Naomi Kawase n’est pas ce qu’on pourrait appeler une inconnue au Festival de Cannes : après avoir reçu la Caméra d’Or pour Suzaku en 1997, elle revint en compétition officielle en 2003 avec Shara, et remporte cette année, excusez-du peu, le Grand Prix pour La Forêt de Mogari.

Digne héritière d’Ozu, Naomi Kawase a cette délicatesse et cette finesse de perception qui lui permettent d’approcher au plus près des sentiments de ses personnages, sans avoir à les souligner par le discours. Malgré une intrigue ténue, elle maintient notre attention par la seule force de ses images, tout simplement parce qu’elles sont justes, parce qu’elles nous touchent au plus profond. Lenteur et contemplation ne sont pas chez elle des artifices de film d’auteur, elle nous prend par la main et nous invite à s’approcher de Shigeki et Machiko (ce choix de prendre pour les personnages les mêmes prénoms que ceux des interprètes en dit long sur la direction d’acteurs). Et puis il y a la musique de Masamichi Shigeno (il avait déjà composé celle de Susaku), qui fait pleinement sens avec le récit, magnifique mélodie qui inlassablement vient s’interrompre sur une même note dysharmonique.

Shigeki est un vieil homme qui a perdu sa femme 33 ans auparavant et dont le fil qui le maintenait à la raison a fini par se briser. Il a préféré le confort et la douceur de la folie au désespoir de la lucidité. Machiko travaille dans la maison de repos où il est hébergé. Elle-même en déshérence, elle va s’attacher à lui, comme si sa folie recelait un secret à lui faire partager. Le jour anniversaire de la mort de sa femme, elle l’emmène faire une balade à la campagne. Leur voiture tombe en panne et Shigeki s’enfuit dans la forêt de Mogari. Machiko est bien sûr forcée de le suivre, et tous deux vont s’enfoncer dans la nature, accomplissant un voyage au plus profond d’eux-mêmes, de leurs douleurs secrètes. Mogari signifie à la fois « le lieu du deuil » et « le temps du deuil ».

De ce voyage, on ressort triste, bouleversé et pourtant heureux et plein d’espoir. Pour vous en convaincre, voici ce que dit Naomi Kawase lors de la remise des prix : « Dans une vie, beaucoup de choses vous font hésiter ou trébucher sur le chemin. Je crois, dans ces moments-là, qu’on cherche quelque chose au fond de soi qui peut nous redonner de la confiance et de la force. On essaie de se trouver des forces – ce n’est pas l’argent, des voitures ou des vêtements - ce n’est pas forcément quelque chose de visible. Ça peut être le vent, la lumière, le souvenir des Anciens. Et quand on trouve ce point d’appui dans le monde, on peut être tout seul et continuer. »
Voilà donc ce qu’on éprouve à la fin avec Shigeki et Machiko, ce sentiment d’avoir trouvé un point d’appui… c’est l’âme que cache la forêt.

Publié dans cinetampes

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